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Aurions-nous pu rater ce départ? Peppe dans un bouchon, un samedi matin à 6h 30? Le chauffeur de bus expérimenté perdu dans le labyrinthe de Fraport et qui faillit presque bloquer le rond-point central pas vraiment fait pour les bus de cette taille … improbable, mais si : toute l’équipe, avec les valises, au pas de course pour rejoindre le bon gate à partir du parking du bus! Suspect, quand nous entendrons les explications du guide dans le bus qui nous emmène enfin de Denpasar, la capitale de Bali, à notre première destination au grand Nord de l’île, sur des petites routes sinueuses tellement étroites que deux camions feraient mieux de ne pas s’y croiser. « Bali est l’île des mille temples » nous explique-t-il. Et on a vite compris que c’est un understatement ! Bali est un temple ‘continu’, chaque maison a le sien … en plus des temples particuliers, temples des villes et villages, temples publics et privés, temples dédiés à telle ou telle divinité, activité, mariages, deuil… Ce sont plutôt les cérémonies qui y sont entrecoupées de temps de travail et de préparations que le contraire. Tout se négocie, en offrandes, à l’une des trois formes de divinité, et surtout la chance, le bisness et bon augure de ses investissements.

Sous la découverte somnolente, pendant près de 3h de voyage, de rizières féériques, de statues démesurées au centre des ronds-points, d’un trafic surréaliste de véhicules d’une autre dimension qui se gondolent à travers un flux croisé de mobylettes chaotiques, nous essayons de déchiffrer le guide qui nous explique que l’île est à 89% hindoue et pratique la version B de l’hindouisme (oui, il y a une version A et C) la sainte trinité Brahma-Vishnou-Shiva en monothéisme. [y en a un qui représente l’eau, Vishnou c’est le nôtre ;-) ]Que les balinais sont des gens paisibles, qu’il y a peu d’accidents sur les routes [vraiment?], peu de vols et de violences, et un volcan tout gentil.

 

Bali2018 jw 01Sous le volcan Agung - 1er hotel : Tauch terminal Resort Tulamben

Enfin arrivés et déjà sous le charme des îles du sud, Wolf, le boss de l'hôtel dont le parcours de vie vaut la peine de passer avec lui une soirée entière devant quelques Arak Madou bien dosés [!], nous fait un briefing des plus sympathiques et le marathon de plongée peut commencer.

3 sites sont directement accessibles devant l’hôtel :

Coral garden, au centre, est une timide mise en ambiance avec petites raies, petites murènes, nudibranches, et même des tortues et hippocampes, voire un hippocampe pygmée logé dans sa magnifique gorgone beige clair, à mon avis le guide connaissait son adresse et possède des yeux de faucon !

Bali2018 jw 30Drop Off, à droite, est un joli versant à pic commençant avec peu de profondeur jusque 70 m en bout de course. Enfin un vrai jardin de corail avec un grand bleu derrière ... et un petit requin qui rôde, ou était-ce autre chose ? La magie des fonds des mers du sud nous prend et ne lâchera plus.

Liberty Wreck, un transporteur de l’armée US de 125m de long, touché par un torpédo japonais en 1942. Il fut sorti de l’eau pour le plaisir des enfants qui pouvaient y jouer, jusqu’à ce que la grande et tragique éruption du volcan en 1963 le renverse et repousse dans la mer. De jour, le Liberty est déjà un site d'exception avec ses formes géantes incertaines, envahi, englouti ou déformé ci et là par la lave, incrusté multicolore de corail et autres structures sédentaires au teintes surprenantes, grouillant de vie. Mais de nuit, il a procuré le highlight des grandes sensations, devant les projecteurs et caméras de Philippe Lux et quelques autres: la murène géante qui chassa et dévora ses proies, sans se soucier de ses hôtes européens bien impressionnés au-delà de la brève rencontre. Mais aussi la procession majestueuse d’une famille de perroquets à bosse de grande taille, ou de grands mérous et autres bestioles surdimensionnées y ont joué des ombres et lumières.

Mais Bali n’invite pas qu’en dessous du niveau de la mer, et nombreux sont ceux qui ont fait des excursions et visité temples, marchés, palais d’eau du roi, villages ancestraux, marché d’art d’Ubud, rizières et plantations… Au passage, nous en avons profité pour faire une petite offrande dans un temple bouddhiste - partie du elephant cave temple - au décor naturel impressionnant : chutes d’eau, rochers et flancs imposants, bassins relaxants invitant à la promenade sous des arbres géants sans âge …

Et la grande déception [il y a toujours une grande déception] : pas directement prévu dans le voyage, la possibilité d'une journée Manta Point, le site emblématique aux grands pélagiques mantas garantis [sic] qui avait fait de malheureuses headlineslines quelques semaines plus tôt avec une vidéo témoignant d'une pollution - d'un jour peut-être mais - choquante. La pollution, bien moindre mais suffisamment heurtante, était malheureusement au rendez-vous, et hélas pas nos amis à grande voilure. Déjà à l’aller à travers le canal entre les deux îles au sud de Bali le bateau de la 2e équipe a dû s’arrêter par deux fois suite à un choc d’un moteur hors-bord avec un objet flottant ! Bien que... ce lendemain le deuxième groupe a eu plus de chance. Flottant au-dessus de grandes structures au gré des vagues qui nous bougeaient en va et vient incertain de plusieurs mètres, nous avions déjà presque oublié pour quoi on était venu, que les doigts se levèrent pour pointer une ‘petite’ raie manta (geule 70-85 cm, je l’estime à 3.4m de voilure ?) qui passa directement le long de notre groupe, s’en souciant peu. Commença alors une attente interminable, nous laissant nous bercer par le va et vient sans trop dériver au-dessus du décor grandiose – va-t-elle repasser? Le ventre frottant presque contre les rochers aux allers retour des vagues, le petit groupe en était juste à désespérer, qu’une autre raie, bien plus grande (gueule au-delà d’1,20m pour sûr ... 4.8m ?) que la première, se dirigea vers nous. Prenant presque la même route que la première, elle glissa en quelques secondes le long de notre groupe comme une éphémère manifestation géante de la grande nature pour re-disparaître trop vite dans un horizon nuageux. N'avions-nous pas fait cette petite offrande dans le temple le jour avant!? Eh, CQFD (zut, on aurait dû offrir un cagot de bière entier!)

 

La première semaine est donc bien vite passée entre frénésie de plongée et excursions-visites aux longs trajets, et de nouveau presque 4h de route dans deux petits bus nous ont amenés au deuxième hôtel prévu lui aussi pour une semaine dans le planning.

 

Bali2018 jw 147Le jardin de corail – 2e Hotel – Pondok Sari Beach Resort - Desapemuteran

Petite douche froide?: le briefing-plongée en ‘morse’ et un peu castrant de notre autrichien Jonas, chef de base Werner Lau ! 33m max, essentiellement no deco dives, max 1h... et donc le anchor wreck de Menjangan totalement inaccessible!

Mais quel décor!

Que ce soit le charme de l'hôtel ou la disponibilité de sites de plongée, l'endroit vaut le déplacement. Versants à pics gorgés de corail multiforme, colonies de bestioles et coloris aux mouvements chorégraphiques - comme ce tapis d'anémones et de corail beige clair-doré à perte de vue comme une plaine écossaise surréaliste ... - la plupart à quelques minutes, ou autour de Menjangan, la petite île qui fait partie du parc national protégé, et auquel nous avions accès en quelques 30-40 minutes de bateau [un respectable barracuda, black tip et white tip, des bancs de fusillers jaunes et bleus dans le grand bleu, une belle langouste dans son trou perché, poissons trompette, petit mola mola ou poissons lune, box fish, puffer fish, trigger fish jaunes, bleus et noirs, tortues, poissons anguilles qu’on a pris pour des murènes !, robust ghost pipe fish, poissons rasoirs suspendus dans une gorgone comme des haricots, champ d’anguilles de jardin, belles rascasses, … ]…

… ainsi que 'secret bay', à lire entre les lignes de Jonas, à plus d'une heure de route, sale et pour les fanas de microscopie, ce qui en a découragé plus d'un... mais pas tous: les photos de la bonne douzaine qui a quand même été en témoigne, un vrai highlight du voyage: serpent de mer et pas le moindre, hippocampes, crevettes aux couleurs incroyables, crabes, variété de poissons plus rares les uns que les autres tel les poissons fantômes, et j'en passe. Secret bay l'avant dernier jour a fait des heureux!

Bali2018 ja 163Et l’encadrement, faut-il le dire, a merveilleusement fonctionné. Voire l’aisance et calme avec laquelle l’un des jeunes guides balinais a enlevé et remis son gilet en pleine eau pour vérifier une perte d’air à la connexion du détendeur que je lui avais signalée, et on est rassuré. Voire que mes palmes m’avaient rejoint plus vite que je m’étais aperçu que je les avais oubliés en sautant dans l’eau ...sans commentaire supplémentaire ! ;-)

 

Pas de chance, cette orgie de plongée et d’images paradisiaques a aussi une fin. La veille du retour a été ponctuée par une pluie sur les routes et une malheureuse chute en mobylette, on espère sans plus de conséquences que quelques égratignures. Il est temps de rentrer.

Le retour à de nouveau confirmé la sainte règle du donnant donnant: le bus 2 - ou était-ce le premier? - a eu une peur soudaine des passages de montagne, tout en nous fichant à nous aussi une certaine frayeur, et la montée s'est faite pour la plupart du temps sans embrayage, en première... arrêt, 2e... arrêt, première vitesse... jusqu'à la pause pipi, où les plus éclairés ont eu l'occasion de vite faire une offrande à la divinité responsable, ainsi que de nourrir et mitrailler du reste de pellicule deux grandes chauves-souris habituées de voir le monde à l'envers! Et ça a marché !!! L'embrayage ne nous a plus lâché une seconde. Enfin après 4heures30 de petites routes frénétiquement peuplées de petits bolides chaotiques comme un nuage de mouches et les formalités de sécurité classiques de l’aéroport passées, l'avion nous a ré-ingurgités ipso facto pour un retour sans autres embûches que le prochain chauffeur de bus un peu égaré - voyage qui aura pris en tout approximativement 29h. Ah zut, quand c'qu'on repart?!

 

Post scriptum – Le fruit des humains

De ces majestueux décors sous-aquatiques, non seulement Manta Point et Manta Bay étaient choquants par les omniprésentes suspensions de bouts de plastique et autres particules incertaines. Bien que la visibilité fût souvent très belle, de nombreux témoignages de l’ampleur de la pollution des mers mitigent le merveilleux du spectacle. Le Balinais de la rue repousserait encore souvent la faute sur les habitants de Java, et il y a bien une petite probabilité que le reflux le long de Java redescende jusqu’au niveau de Menjangan, quand on regarde les cartes de courants de la région. Mais à vrai dire, les flux les plus impressionnants de la planète se rencontrent au sud de Bali pour passer du Pacifique à l’océan Indien en passant principalement entre Java et Bali, entre Bali et Lombok, ainsi que Lombok et ses îles au sud-est. Ces courants seraient d’abord en profondeur en dessous des 100m, mais aussi en surface, et les détritus flottants venant d’aussi loin que le Sud du Japon, les Philippines, le Sud de la Papouasie Nouvelle Guinée, et tout ce qui se trouve entre, Sulawesi, Céram et les Moluques, … peut se retrouver ici avant de se disperser dans l’océan Indien. Le problème est bien global. Et les pauvres Balinais auront difficile à en régler l’envergure à eux seuls, mais devront aussi regarder dans leur jardin comme nous dans le nôtre. Sous l’eau, le site le plus choquant était finalement la descente vers un des plus beaux versants à pic du voyage, c’est-à-dire directement en-dessous du poste de police n°2 de Menjangan à l’entrée Est du parc national protégé : cannettes, sacs en plastiques, brol, bouteilles de bière et j’en passe, jonchent littéralement le sol jusqu’à l’entrée dans un décor franchement sublime – la sortie de l’enfer vers le paradis !

De mon expérience Thaïlande et La Digue [Seychelles], je peux dire que partout où la pauvreté augmente, les détritus humains ne sont plus gérés correctement. La dimension de ce problème est donc toujours géante. Mais Bali n’était certainement pas pire, voire plutôt moindre que de nombreux endroits un peu perdus en Thaïlande. Le triage sélectif et la prise de conscience m’y semblent aussi en bonne voie, juste sont-ils encore loin des endroits les plus démunis. Et là il y a un autre aspect de la configuration de ces îles indonésiennes qui joue un rôle majeur, il me semble. Elles sont pour la plupart volcaniques ou montagneuses avec des versants à pic inaccessibles qui provoquent presque quotidiennement des pluies diluviennes au heurt des nuages en hauteur. Cela crée des torrents-surprise de courtes durées, mais impressionnants en puissance et qui emmènent tout ce qui se trouve sur leur passage jusque dans la mer. Quoi de plus facile donc de jeter les détritus et bouteilles vides dans le lit du ruisseau le plus proche – il sera nettoyé au prochain passage ! Quand on voit la concentration des bouteilles et autres objets jetés dans les lits des rivières, les gens semblent s’en être fait une habitude comme chez nous le long des routes. Cela pourrait bien parfois être un signe d’augmentation de la pauvreté en amont, mais en tout cas l’est d’une vue du monde qui n’est pas encore au point.